Baldine Saint Girons - Click here to view a portrait of young Edmund Burke

Baldine Saint Girons
Le sublime de Burke
et son influence dans l'architecture
et l'art des jardins 
1994

Baldine Saint Girons
"Le sublime de Burke et son influence dans l'architecture et l'art des jardins"1
Conférence inédite, tenue à l'Auditorium du Louvre, le 3 octobre 1994.

Introduction >

  1. Paradoxe d'une réalité mixte, à la fois artistique et vivante >
  2. Définition du gardening >
  3. Du modèle architectural à un modèle plus proche de la peinture. Ambiguïté du modèle pictural >
  4. Rapport de l'architecture anglaise au gardening >
  5. Le sublime de Burke >
  6. Du grand au sauvage chez Shenstone et Walpole >
  7. Le sublime-terrible et le sublime-simple chez Whately >
  8. William Chambers, 1772 >
  9. La querelle du pittoresque >
  10. Du sublime architectural >


Conclusion >
Notes >

Il est une question intrigante : comment se fait-il que la théorisation du sublime au sens anglais et burkien du terme coïncide historiquement avec la révolution constituée par l'invention de l'art des jardins modernes, ou encore avec le fait que l'art des jardins s'émancipe du modèle architectural, en un temps où, par ailleurs, l'architecture anglaise est fort brillante? Quel lien peut-on découvrir entre ces deux événements, situés au milieu du XVIIIe siècle?

On trouve dans toutes les histoires de l'architecture et des jardins mention de l'influence de Burke sur la formation d'un nouveau type de sensibilité. Mais jusqu'où peut-on aller en prenant pour fil conducteur l'idée de renversement du beau, d'où émane la portée révolutionnaire du sublime? On trouverait difficilement un principe plus profondément subversif que le sublime. Apprécié dans la sphère de la subjectivité, il se moque de toute institution et de toute mode : il est lié à la véritable avant-garde et se trouve à l'origine de tous les courants authentiquement nouveaux.

La révolution en architecture est plus lente et plus tardive que celle qui s'opère dans l'art des jardins; et c'est certainement sur l'architecture dite révolutionnaire et tout particulièrement en France (chez de Wailly, Viel de Saint-Meaux, Boullée, Ledoux, Lequeu, etc.) que le sublime burkien exercera la plus grande influence. Voilà qui me semble un fait admis depuis les travaux d'Émile Kaufmann. Encore reste-t-il à analyser les différents facteurs de cette influence. Le rapport du sublime à l'art des jardins m'a semblé une question plus neuve; et il m'a paru éclairer singulièrement certains aspects de la révolution architecturale, si bien que j'insisterai tout particulièrement sur lui.


I. Paradoxe d'une réalité mixte, à la fois artistique et vivante

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Je commencerai par une citation empruntée à Shenstone, poète et jardinier, ami de Burke. Son chef d'oeuvre fut sans doute l'aménagement de la ferme des Leasowes, propriété dont il hérita près de Birmingham, et qui devint un des modèles de l'art des jardins modernes, presque aussi connu et souvent plus goûté que les célèbres Stowe2. Burke publia intégralement en 1764, dans son journal, l'Annual Register, un texte fondamental de Shenstone, dont il faut regretter l'absence de traduction française : Pensées éparses (unconnected) sur l'art des jardins.

«Les oeuvres de qui construit commencent immédiatement à se délabrer, écrit-il; tandis que celles de qui plante commencent immédiatement à s'améliorer. Planter promet un plaisir plus durable que construire en ceci que, même si la construction reste dans une perfection égale, elle commence au mieux à s'effriter et exige des réparations dans l'imagination.» Suit alors un éloge de l'arbre; et Shenstone, dont il faut rappeler le célibat, va jusqu'à affirmer que «c'est une coutume dans certains pays de condamner après leur mort les façons de ceux qui n'ont ni planté d'arbre ni engendré d'enfant »!3

Au lieu d'opposer simplement l'art des jardins à l'architecture comme un art qui défie le temps à un art de l'éphémère (ce qui serait assez banal), Shenstone nous rappelle que toute oeuvre est soumise au temps et qu'il est deux manières d'entrer dans l'histoire. L'oeuvre peut se présenter à l'état de perfection, telle Athéna surgissant toute armée du cerveau de Jupiter : son introduction dans l'espace public est justifiée par son état d'achèvement. Mais la manière de naître qui est celle des vivants est tout autre : entre l'espace-temps secret de la gestation et l'espace-temps ouvert de la maturation, il n'est point de solution de continuité. Cette manière de venir au jour consiste donc à se présenter moins comme être que comme promesse. Entre planter et procréer, une équivalence se dessine alors, ainsi, d'ailleurs, que la possibilité d'une substitution : dans les deux cas, il s'agit d'engendrer un processus qui va de la croissance à la maturité, au lieu d'aller de la maturité à la mort.

Remarquons au passage les limites de cette assimilation : planter n'est pas procréer, car on ne procrée que des êtres semblables à soi. Mais l'essentiel est pour nous ceci : planter ou procréer ne sont pas créer. L'insistance sur l'acte de plantation est symptomatique. Un jardinier, tel que le conçoit Shenstone, s'insère dans la réalité, s'en empare et guide son développement; il n'en produit pas une imitation, il n'en donne pas une image. Quatremère de Quincy entérinera cette nouvelle conception : «(...) on a eu la simplicité de croire que celui qui avait planté le jardin avait créé le paysage. il l'a créé si l'on veut : (...) de la même manière que celui qui plante un arbre le crée; mais entre l'action de planter l'arbre (...) et l'action d'imiter un arbre, il y a la distance qui existe entre la reproduction naturelle des êtres, par l'instinct des sexes, et l'imitation par les règles de l'art et l'aide du génie». L'art des jardins attesterait ainsi qu'il est impossible d'étendre le concept d'imitation à tous les arts. Et c'est le théoricien de l'imitation qui en convient lui-même!

Pourtant, le jardin a beau se définir comme processus, il me semble difficile de soutenir qu'on ne crée pas de jardin. Seulement, si Shenstone et les Anglais de la deuxième moitié du XVIIIe siècle insistent moins sur la création que sur l'intervention humaine dans un processus, c'est dans une perspective d'abord polémique : il ne s'agit pas de devenir maître et possesseur d'une nature rebelle, mais au contraire, de tirer parti de toutes les beautés qu'offre déjà la nature.

Il y a l'espace conquis par l'homme, telle la clairière gagnée sur la forêt primitive; et il y a l'espace redécouvert par lui, humanisé et poétisé par son intervention discrète, lorsqu'il comprend sa tâche comme étant celle de coopération. Une nouvelle esthétique naît avec ce second type d'espace, et c'est pourquoi l'invention de l'art des jardins modernes est d'une importance si capitale : l'esthétique, plus ou moins implicite qu'il développe, sape les fondements de la théorie de la représentation, pour prôner la mise en perspective d'une réalité mixte, artistique et vivante (nature artialisée ou art naturalisé), dont l'originalité s'apprécie et s'impose in situ au cours de l'acte de la contemplation, mais se goûte aussi idéalement lors de sa constitution ou reconstitution imaginaire.

Cette réalité mobile ne souffre, d'évidence, aucun calque. Rappelons que Whately, par exemple, refusait d'orner de gravures son ouvrage sur l'art des jardins. Dans un chapitre peu remarqué qui concerne la « beauté pittoresque », il développait une série d'arguments contre la réduction gravée (changement d'échelle, unilatéralité du point de vue, suppression des associations 4) qui, tous, conduisaient à montrer la spécificité de l'art des jardins et de l'art en général et à détruire l'illusion de sa reproductibilité. Se soumettre à l'objet, voilà ce à quoi nous il nous convie.


II. Définition du gardening

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Rappelons-le : alors que l'art des jardins italiens s'est fixé au milieu du XVIe siècle (vers 1550) et celui des jardins français dans la seconde moitié du XVIIe, celui des jardins anglais définit ses traits au milieu du XVIIIe. Et il s'impose à toute l'Europe, lui fournissant un modèle, comparable par le formidable intérêt qu'il suscite à celui de son art et de sa philosophie politiques. De même qu'on doit, en effet, à l'Angleterre son concept de la liberté individuelle et négative (liberté d'agir selon ses désirs et volontés dans le domaine qui échappe à la loi), de même lui doit-on une conception originale du gardening.

Gardening : ce terme est proprement intraduisible, et son équivalent français « jardinage » en fausse le sens avec les connotations exclusivement petites-bourgeoises et ouvrières qu'il comporte. Latapie ne s'y était pas trompé quand il traduisit en 1771 gardening par la périphrase « art de former les jardins ». Le gardening est dans l'Angleterre du XVIIIe un art total, qui implique et constitue une vision du monde, dans laquelle philosophie, littérature, architecture, sculpture, peinture, sport et musique s'entremêlent. C'est un art libéral que le propriétaire du jardin (si réduit soit-il) exerce mieux que tout artiste étranger, parce qu'il jouit de son domaine à toute heure et en toute saison. C'est un art populaire, enfin, dont les effets sont sensibles dans le quotidien et dont la jouissance est partageable, puisqu'elle n'exige pas une culture spécifique.

Comme l'art des jardins modernes « est maintenant dégagé des entraves de la régularité, écrit Whately en 1771, et qu'on l'a étendu au-delà des usages domestiques, les scènes de la nature les plus belles, les plus simples, les plus nobles sont de son ressort. Il n'est plus confiné dans les bornes qu'indique son nom; mais il dirige encore la disposition et les embellissements d'un parc, d'une ferme, d'un paysage »5. La composition la plus parfaite, ajoute-t-il à la fin de son ouvrage, comporte les trois aspects, et possède de surcroît un riding, lieu d'exercice ou carrière.

Qu'est-ce au juste qu'un jardin anglais, au sens nouveau du terme? un jardin irrégulier, plus ou moins boisé, rustique ou pittoresque, mais un jardin irrégulier, d'abord. On lui reprochera tantôt d'être trop imaginatif, tantôt, au contraire, de se rapprocher de la nature sauvage et inculte : Rousseau dénigrera Stowe où « tout paraît naturel excepté l'assemblage », Girardin ratifie ce jugement, cependant que Carmontelle s'enthousiasme au contraire pour sa diversité. Les amateurs de luxe railleront le jardin anglais pour sa pauvreté en moyens comme en idées, tandis que les physiocrates ou encore Louis-Sébastien Mercier, condamneront la « main desséchante » qui voue les terres à la stérilité, en les dérobant à l'agriculture6.

En revanche, on ne niera jamais qu'en refusant toute ligne, surface ou volume géométriquement définis, le jardin anglais se rapproche d'une « nature » qu'on dit ne rien faire au cordeau. Et nous atteignons ici une nouvelle caractéristique du gardening qui explique les précédentes : s'il privilégie l'acte de planter et prétend d'abord tirer parti d'une réalité déjà existante, c'est qu'il s'éloigne le plus possible de l'architecture et de sa rigueur, pour adopter dans ses règles une liberté et une fantaisie qui appartiennent en propre à la peinture, dans les points de vue isolables et fragmentés que découvre, au moins, chacun de ses tableaux.


III. Du modèle architectural à un modèle plus proche de la peinture. Ambiguïté du modèle pictural

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Le jardin italien est d'abord l'extension architecturale du palais ou de la villa : la terrasse avec ses escaliers et balustrades y joue un rôle essentiel, cependant qu'arbres aux feuilles caduques, fleurs et gazon en sont quasiment exclus. Cyprès et chênes verts, marbres et jeux d'eau lui permettent d'échapper aux saisons. Le « verd » est au contraire la donnée majeure du jardin anglais qui, supprimant les terrasses (du moins à la grande époque de Capability Brown) envahit tout l'espace jusqu'à atteindre le pied de la maison. Celle-ci finit par n'être plus qu'un ornement du jardin, à l'instar des différents « fabriques » (reposoirs, nymphées, ermitages, temples de pêche, rendez-vous de chasse, pagodes, etc.) répandues dans le jardin.

Si l'on considère maintenant l'idée du jardin à la française, y prévalent non seulement la régularité, mais un certain statisme, lié à l'unité d'un point de vue obligé. à la différence du jardin italien, cadré sur le paysage, le jardin français ouvre sur l'infini et permet de voir à l'horizon la ligne de soudure entre le ciel et la terre. La grande perspective, notamment, est soulignée par des arbres qui conduisent vers le ciel, si bien que le paysage est, d'une certaine manière effacé. Conditions géologiques, évolution des techniques, volontés politiques d'aménagement du territoire, tout concourt d'évidence à créer une idée nouvelle de jardin. Le terrain est en général moins pentu en France qu'en italie, les eaux y sont utilisés comme des miroirs, ce qui est peu fréquent dans les jardins italiens (et la réminiscence des douves joue là sans doute un grand rôle). L'absolutisme royal, enfin, se fait sentir : quand, de simple rendez-vous de chasse, le château de Versailles est transformé en palais aux ailes immenses, l'espace se dilate en un prodigieux changement d'échelle, qui exprime la volonté de maîtrise par un pouvoir unique et centralisateur. Le jardin doit d'abord être dominé par le regard qui suit les lignes symétriquement tracées par le compas et l'équerre.

« Chaque allée a sa soeur aux jardins de Le Nôtre; Une moitié du plan se réfléchit dans l'autre », écrivait Alexander Pope7. Et Walpole de railler les bosquets à la française qui sont autant de « coffres verts posés sur des perches »8, de manière à ce que nul arbre ne se distingue de l'autre.

Les Anglais, eux, développent leur jardin à l'abri du pouvoir central, affaibli par la révolution de 1688; ils aspirent moins à s'installer dans les combles du château royal qu'à respirer l'air de la campagne et de la liberté. Et le regroupement des terres au début du XVIIIe siècle leur permet toutes sortes d'innovations, artistiques et techniques, dont ils décident eux-mêmes en propriétaires plus ou moins avertis. Aussi peuvent-ils laisser libre cours à leur imagination. : ils se moquent de la symétrie, utilisent peu de lignes droites, multiplient les perspectives d'une façon résolument dynamique et développent une esthétique qui n'est pas seulement plurisensorielle et pleine de surprises, mais introduit une révolution dans la conception du statut propre au regard grâce à la prise en compte d'un élément nouveau : la dynamique du marcheur.

Une formule de Shenstone, résume cette conception : il ne faut pas que l'oeil anticipe ce que le pied, seul, doit découvrir9. Pour bien comprendre ce diktat, il faut, me semble-t-il, l'analyser sur quatre registres :
La perspective offerte à l'oeil doit être fragmentée.

D'autres sens et d'autres facultés que la vue doivent être sollicités, car la vue n'est qu'un tact à distance, comme disait Aristote. Or la proximité est ici rendue essentielle par un tact élémentaire.

Si le toucher du pied prend une importance capitale, ce toucher n'est pas celui de la main qui s'empare de l'objet. Quand on marche, on ne prétend pas mettre le pied sur des objets : on s'expose aux accidents du terrain, on bute sur ses aspérités, on glisse sur un sol bourbeux, on enfonce dans la végétation des souliers qui ne peuvent plus être d'élégants escarpins de cour. Le promeneur s'identifie au paysage qui se déploie dans l'acte seul de la marche. Cela suppose la mise en oeuvre d'une attention, mais d'une attention toute instinctive.

Cette attention instinctive engage alors un autre type de regard, non conscient de son objet et de lui-même. Il y aurait alors comme une double subversion du regard : sa perspective se rétrécit et, loin de s'emparer du paysage, l'oeil est contraint de se soumettre à la dynamique du marcheur. La vision qui refuse de se soumettre à un modèle géométrique préconstitué et de réduire son objet à une épure, se déploie effectivement dans un paysage concret, s'approprie à lui par une série de tâtonnements, s'insère dans sa « chair », pour parler comme Maurice Merleau-Ponty, et donne le sentiment du miracle de la manifestation comme telle.
Le refus de la régularité conduit ainsi à une esthétique de la surprise continuée, qui permet de jouir de la diversité des données sensorielles et de la métamorphose des éléments selon les heures et les saisons. Par tous ces traits, les jardins à l'anglaise obligent la pensée architecturale à quitter la rigidité qu'on exige ordinairement d'elle. Tout est fluctuant dans un jardin et, ce sont les idées de ces fluctuations successives et concomitantes qu'il faut parvenir à maintenir ensemble. Le regard est alors astreint à un effort permanent pour s'ancrer dans un corps qui, lui-même, s'incorpore à un monde, toujours à l'état naissant.


IV. Rapport de l'architecture anglaise au gardening

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Si l'English garden a des traits généraux spécifiques, qu'en est-il, cependant, de l'architecture anglaise? Il est un palladianisme anglais d'une profonde originalité, celui, issu au XVIIe siècle d'Inigo Jones. Mais Sir Christopher Wren qui mourut en 1723, imposa un style classique, qui tint compte d'éléments très divers et fit preuve d'une grande originalité formelle. Ses disciples, Sir John Vanbrugh et Nicholas Hawksmoor ajoutèrent au palladianisme des éléments baroques et gothiques. Quant à James Gibbs, élève de Carlo Fontana, il se ressent de l'influence maniériste.

Le retour au palladianisme strict d'Inigo Jones s'effectua avec Colen Campbell qui publia en 1715 le premier volume du Vitruvius britannicus et conçut les premières villas néo-palladiennes (tel Mereworth Castle), et, bien sûr, avec Lord Burlington et William Kent.

Sir William Chambers fit pour le compte de la Compagnie des Indes Orientales un voyage « à la Chine », séjourna en Italie et en France, où il suivit les cours de Jacques-François Blondel à l'école des arts. de retour en Angleterre, l'architecte de la pagode de Kew ou de Somerset House fut le rival de Robert Adam dans la défense du néo-classicisme.

Citons à la fin du siècle John Nash qui dessina les splendides terrasses de Regent's Park, ou John Soane, cet architecte si original qui connut sans doute Piranèse, se lia avec Peyre et Ledoux, et dont chacun connaît la maison, transformée en musée à Londres, Lincoln's Inn fields.

Même d'un panorama aussi bref, il ressort que les liens entre architecture et gardening sont fort étroits : William Kent est celui que walpole célèbre comme « l'inventeur du nouveau style » et à l'habileté duquel il attribue « la restauration du style grec et les progrès de l'architecture ». Chambers écrivit une très célèbre Dissertation sur le jardinage de l'Orient, parue en édition bilingue dès 1772, dont nous reparlerons bientôt. Quant à Nash, il fut aussi le collaborateur de Repton, fondant avec lui le style pittoresque qu'illustre par exemple dans le célèbre Blaise hamlet aux toits de chaumes.

C'est ce qui me conduit à une question : si la dépendance de l'art des jardins à l'égard de l'architecture diminue dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, jusqu'au moment où Repton réintroduit terrasses, balustrades et parterres, quelle put être l'influence du nouveau gardening sur l'architecture dite révolutionnaire?

Faisons ici une pause. Partie de l'idée de révolution (à propos du sublime, du nouveau gardening et d'un certain type d'architecture), j'ai voulu montrer que le nouveau jardin moderne, tel qu'il se définissait au milieu du XVIIIe siècle, s'opposait à l'architecture par trois aspects : inachèvement au moment d'entrer dans l'espace public, réintroduction de la nature, refus de la régularité et de la symétrie au profit d'une grande fantaisie qui ferait songer à la peinture, n'était précisément l'abandon du cadre et du point de vue unique.

Mais en quoi le gardening relève-t-il précisément du sublime, et du sublime de Burke en particulier? Ne conjugue-t-il point d'abord l'agréable à l'utile, si bien que l'exemple serait particulièrement mal choisi pour illustrer le sublime de Burke?

Sur un point, je suis d'ailleurs obligée de rendre les armes à mon adversaire érudit : quand Burke évoque le gardening, c'est dans une section consacrée au beau et non au sublime. Mais je ferai remarquer que, s'il procède ainsi, c'est d'abord pour lutter contre une conception de la beauté fondée sur les seules proportions, pour prôner un retour à une sensualité-sensibilité élargie et pour comprendre les racines passionnelles de nos émois. « Les hommes ont (...) une malheureuse propension à se faire eux, leurs conceptions, et leurs ouvrages, la mesure de l'excellence en toutes choses. (...). Mais la nature s'est enfin échappée des entraves auxquelles ils l'assujettissaient : nos jardins, à tout le moins, protestent que nous commençons à sentir que les idées mathématiques ne sont pas les véritables mesures » non seulement « de la beauté », mais de toutes choses (III, 4). C'est donc d'abord sous l'idée d'une révolution que nous introduisons le sublime dans l'art des jardins.


V. Le sublime de Burke

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Rappelons que Burke (qui était irlandais et de famille maternelle catholique) avait vingt-huit ans lorsqu'il publia en 1757 sa Recherche philosophique sur l'origine de nos idées du sublime et du beau. Cet ouvrage connut immédiatement un succès considérable puisque, durant trente ans, une nouvelle édition de la Recherche parut en moyenne tous les trois ans ! Il reçut deux traductions françaises, avant que les Réflexions sur la révolution de France n'entament l'engouement qu'il suscitait, en attirant chez les partisans de la Révolution une certaine méfiance. Mais qui dénonça le modèle proposé par la Révolution française? un whig convaincu, un défenseur des pouvoirs du Parlement, un protecteur des intérêts de l'Irlande catholique, un partisan de l'émancipation des colons d'Amérique, un réformateur attentif, et, surtout, l'inventeur de ce sublime qu'il nous importe de définir.

Rappelons au passage que la gloire de Burke qui s'était maintenue chez les Anglo-saxons grandit de nouveau aujourd'hui sur le continent, où sa Recherche vient de connaître de nouvelles traductions italienne et française, cependant qu'une traduction allemande est en cours.

Quand on aborde la question du sublime, deux risques symétriques se présentent aussitôt : ou bien on dilue le domaine du sublime en affirmant que tout est sublime, au moins potentiellement; ou bien on réduit ce même domaine, en assimilant le sublime au terrifiant. Aussi importe-t-il moins de présenter une définition a priori que de montrer quels types de difficultés dans la définition des valeurs du beau, du vrai et du bon, l'introduction du sublime permet de théoriser.

J'ai lutté dans des ouvrages récents contre trois idées reçues.
Burke n'est pas un auteur, parmi d'autres, en ce qui concerne le sublime. Il est, sans aucun doute possible, le premier, dans l'histoire des idées, à opposer systématiquement le sublime au beau et à dégager un principe de rupture entre deux expériences. à avoir opposé le sublime au beau, mais non au vrai et au bon, notons-le bien.

Si le sublime est une catégorie esthétique chez Burke, il faut se garder de le confondre avec la caricature qu'on en a donné. Le sublime ne se réduit en aucune manière au gigantesque, à l'informe, au chaotique, au monstrueux. Simplement faut-il compter au rang de ses véhicules essentiels la grandeur (qui s'affirme moins dans la dimension que dans la situation), la force et l'énergie, l'obscurité de tout ce qui se dérobe à la vision, ou encore la simplicité et la rudesse.

Par ailleurs, le sublime est plus qu'une catégorie esthétique, au sens restreint du terme. C'est aussi et d'abord une catégorie de l'expérience en général, une catégorie qui concerne l'intégralité de notre être, bref une catégorie essentielle de l'anthropologie.
Reprenons très brièvement chacun de ces points :

A. Le sublime est défini chez Burke par opposition au beau. Et la ligne de partage entre le sublime et le beau se situe pour lui autour de l'hédonisme, ce qui sera l'occasion d'une difficulté majeure dans la théorie kantienne, laquelle tient de Burke le principe d'une opposition systématique du sublime au beau. Kant refuse de situer le beau du côté de l'agrément : le beau plaît dans sa philosophie, mais il ne fait pas plaisir. Le « sublime de Burke » ne saurait donc être confondu avec celui de Kant.

Le sublime de Burke est plurisensoriel, ce qui n'est pas le cas chez la plupart des autres écrivains. On ne rencontre pas chez Burke de rupture entre l'ordre du tact (le feeling) et l'ordre visuel. Non seulement, le beau et le sublime n'appartiennent pas aux seuls sens dits supérieurs (la vue et l'ouïe), mais le toucher acquiert un statut privilégié. Ainsi le rugueux s'oppose-t-il, par exemple, au lisse et au poli. Et nous avons vu chez Shenstone l'importance de cette entrée en jeu des sens inférieurs dans l'acte de la marche qui, seule, doit découvrir la véritable essence du garden.

B. Le sublime est une catégorie esthétique, nous allons le voir. Mais il faut se garder de confondre les véhicules du sublime avec son principe. Et il ne faut pas oublier que le sublime du crime ou le sublime du mal sont encore plus étrangers à Burke que le sublime du gigantesque ou le sublime qui se fonde sur la seule obscurité.

L'obscurité n'est qu'une cause adjacente, mais non suffisante du sublime : elle « semble » seulement nécessaire pour rendre une chose fort terrible, et elle le semble «généralement »10. Quant à la grandeur, elle peut rehausser le sublime, mais ne lui est pas absolument nécessaire. Et Burke préfère la grandeur de manière à la grandeur de taille, comme l'infini artificiel à l'infini réel11. C'est la nature des objets interceptés par le regard qui crée l'effet de distance. Ainsi Malebranche rappelle-t-il que la lune paraît plus grande à l'horizon qu'au-dessus de nos têtes12. Rappelons dans cette perspective qu'on a dérivé sublimis de  l'adjectif limus ou limis, «  oblique, qui regarde de côté ou de travers, qui monte en ligne oblique ou en pente  ». Le sublime, c'est ce vers quoi nous nous élevons ou ce qui nous élève à lui d'une manière oblique.

Il faut établir, en nous servant du texte de Burke, une distinction capitale entre le principe ou le fondement (foundation) du sublime, ses véhicules sensibles et les effets produits sur le témoin du sublime.

Le principe est nécessaire : c'est celui du terrible (plus ou moins voilé et plus ou moins distant); et le problème est d'en distinguer les différents aspects qui tiennent à une forme de pouvoir et de violence consentis. Si le principe est terrible, les conséquences ne le sont pas : le sublime n'inspire pas la terreur, mais l'étonnement. De fait, quand le témoin joue avec la terreur, c'est toujours pour la tenir au bout du regard, la transformer, tenter d'en maîtriser la représentation : «  Lorsque le danger ou la douleur serrent de trop près, rappelle Burke, ils ne peuvent donner aucun délice et sont simplement terribles ; mais, à distance, et avec certaines modifications, ils peuvent être délicieux et ils le sont, comme nous en faisons journellement l'expérience.  »13 On peut sans doute regretter que Burke ne se soit pas davantage expliqué sur cette distance et ces «  modifications  »; mais on ne saurait confondre le sublime dont il traite avec l'immédiatement terrible ou avec le simplement terrifiant.

C. Burke distingue deux types d'expérience mutuellement incompatibles : une expérience du beau qui se fonde sur l'amour, la communicabilité et l'aisance relationnelle, et une expérience du sublime qui repose sur une relation complexe à la douleur, lorsque celle-ci réussit à se réorienter vers le plaisir ou l'absence de déplaisir. En termes plus modernes, autant le beau met en jeu le principe de plaisir (et, d'ailleurs par là quelque chose qui peut très bien ne pas se situer du côté du bien, car le plaisir est égoïste et malin), autant le sublime met en jeu un au-delà du principe de plaisir. et cet au-delà du principe de plaisir ne saurait se confondre avec le simple évitement du déplaisir. Quelque chose appartenant à une réalité qui fait principe, intervient avec le sublime. Quelque chose qu'on baptisera de diverses manières (chose, réel, vérité), mais qui est en tout cas fondamental et peut, si on en tolère l'apparition, devenir source d'énergie. mais il est bien évident qu'on dépasse alors le cadre de la seule esthétique.

Pour traiter de l'influence du sublime burkien, il faut non seulement étudier les différents emplois du terme « sublime », mais tout ce qui relève de la catégorie du sublime. Je vous présenterai certains résultats de ma recherche dans la période de transition qui va des jardins emblématiques du deuxième quart du XVIIIe siècle aux jardins idylliques, et des jardins idylliques aux jardins pittoresques, à la fin du siècle. Les premiers jardins sont emplis d'emblèmes, de symboles et d'allégories savantes, comme à Stowe. Leur succèdent, cependant, des jardins plus dépouillés, quand Lancelot Brown, assistant de Kent, devient, après sa mort en 1748, le plus illustre jardinier d'Angleterre. à la différence de Kent, Brown n'avait pas accompli de Grand Tour : il recherchait avant tout la « capability » d'un terrain, ses possibilités, ce en quoi il était susceptible d'amélioration. De là vint son surnom de Capability Brown. Rappelons, enfin, que le jardin pittoresque se développa en dernier lieu et se répandit sous l'influence de Repton.


VI. Du grand au sauvage chez Shenstone et Walpole

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Les Leasowes de Shenstone offrent un des modèles les plus séduisants de transition du jardin emblématique au jardin idyllique. Or, la référence à la lettre du texte de Burke est permanente dans ses Pensées éparses sur l'art des jardins : opposition du sublime et du grand au beau et à sa variété, certitude que l'effet du sublime est plus profond que celui du beau, refus d'entremêler sublime et beau sur le même lieu, sentiment que l'abrupt et de l'anguleux sont favorables au sublime, alors que le lisse et les transitions douces appartiennent à la beauté14, affirmation de la simplicité comme consubstantielle au sublime.15

Mais Shenstone tire le sublime du côté de la grandeur. La grandeur, c'est ce qui en impose, moins physiquement qu'esthétiquement parlant. On croit d'abord retrouver chez lui l'influence de la pensée d'Addison, qui avait publié dès 1712 une célèbre série consacrée aux « plaisirs de l'imagination » dans son journal, Le Spectateur. Addison n'utilise guère le terme sublime et centre son analyse sur le great, catégorie esthétique qu'il oppose au beau et à l'inusuel. «  Par grandeur (greatness), je n'entends pas seulement la masse d'un objet isolé, mais l'étendue de tout ce qu'on voit, considéré d'un seul tenant. (...) Ces larges perspectives indéterminées sont aussi agréables à l'imagination que les spéculations sur l'éternité ou sur l'infini le sont à l'entendement.  »16

Cependant Shenstone aime les vallons retirés et il est encore très proche de la pensée exprimée par Montesquieu dans son Essai sur le goût, dont Burke avait traduit une grande partie dans son Annual Register. Ainsi cite-t-il de mémoire un passage : « s'il est vrai que l'on ait fait cette fameuse allée de Moscou à Pétersbourg, le voyageur doit périr d'ennui, renfermé entre les deux rangs de cette allée ». Montesquieu n'avait pas prévu le plaisir des autoroutes, ni d'ailleurs celui des montagnes! Mais il savait rendre raison de ses propres sentiments et formuler l'exigence d'une « progression dans l'étonnement ».

Or, la plus forte impression esthétique est fondée davantage sur l'imagination que sur la perception pure et simple; et Shenstone se rapproche aussi par là de la conception du sublime burkien, fondé sur une forme ou une autre de privation : « L'imagination est un verre qui grossit davantage que le microscope »17.

En fait, c'est Horace Walpole, l'historien des jardins qui se rapproche le plus de la pensée d'Addison, en décrivant son faible pour les grands espaces, conformes à la tradition de ses pères, chasseurs invétérés. La grandeur et le naturel vont pour lui de pair. Ainsi, après avoir dénoncé les absurdités auxquelles conduit un goût effréné du luxe, fait-il de l'Angleterre la patrie du bon sens retrouvé : « le bon sens n'a pas laissé d'apercevoir dans ce pays-ci le besoin de quelque chose at once more grand and natural »18.

L'invention décisive des jardins anglais fut pour lui « la destruction des enceintes murées et l'invention des fossés : essai hasardé qui parut si étonnant qu'on l'exprima vulgairement par une exclamation ha! ha! pour marquer la surprise de trouver soudainement une brèche imprévue à la promenade »19. Peu nous importe ici le rôle des Français, pourtant si cocasse : Dézallier d'Argenville en prônait dès 1712 l'usage, et Monseigneur, fils de Louis XIV en aurait inventé le nom, lors d'une promenade dans les jardins de Meudon!20

Pourquoi la suppression des clôtures fut-elle primordiale? « Les dehors contigus d'un parc sans clôture durent s'accorder avec les dedans, et à son tour le jardin dut être délivré de sa régularité originaire pour pouvoir s'assortir à la contrée plus sauvage »21. Avec la grandeur, le sauvage fait donc nécessairement son entrée. Le sauvage, c'est-à-dire, la nature à l'état naturel, non peigné. Le discord n'est plus permis, parce qu'il n'y a plus ni dehors, ni dedans, (un dehors qui garderait quelque chose de la forêt primitive, et un dedans conquis sur elle par les durs efforts de la civilisation). L'unité est retrouvée. De fait, si les jardins antérieurs étaient nécessairement factices, les nouveaux, au contraire, respectent la nature.

Walpole voit en William Kent l'inventeur du nouveau style : en franchissant la clôture, « il vit que toute la nature est jardin ». Cette vision intellectuelle commande toute la nouvelle conception des jardins. Mais il reproche, cependant, à Kent son absence de « grandes idées » et propose lui-même un nouveau modèle de jardin avec la forêt ou le jardin sauvage de Pain's hill, où « tout est grand (great) et étranger, et rude »22. C'est « une espèce de scène dans le goût des Alpes, entièrement composée de pins et de sapins, quelques bouleaux ou arbres pareils, et présentant l'image d'un pays sauvage et montagneux »23. On songe à Napoléon, dénonçant « la futilité des jardins à l'anglaise » : ce sont « des caprices de banquiers. Mon jardin, c'est la forêt de Fontainebleau et je n'en veux pas d'autre ».24 La nouvelle sensibilité reconquiert, en effet, la forêt, les montagnes et même, d'ailleurs, l'Océan!


VII. Le sublime-terrible et le sublime-simple chez Whately

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Le goût du naturel et du grand conduit aussi, comme c'est le cas chez Whately et chez Brown à une volonté résolue d'effacer toutes les traces de l'art : « il faut que le spectateur ne s'aperçoive pas du dessein »25. Whately n'a certainement pas oublié la leçon de Longin, lorsqu'il soutient que les figures régulières inspirent le soupçon d'artifice « à moins que leur grandeur efface cette supposition »26. L'acte de voilement ou de maquillage sont essentiels au sublime : le fait d'utiliser les figures s'avoue à peine si bien que le triomphe du sublime repose moins sur le dévoilement, que sur le voilement qu'il entraîne.

Le registre du sublime est fondamental chez Whately; mais reste que le problème est de donner à chaque site le caractère qui lui convient. Qu'il ait ou non connu l'analyse des caractères faite par Jacques-François Blondel dans l'architecture publique et privée, Whately distingue avec fermeté grand, énergique, original, majestueux, terrible ou merveilleux.

La grandeur s'attache à l'étendue, à la disposition, au style et à la manière. Et Whately développe une théorie de l'infini artificiel qui fait songer à Burke. On sait combien celui-ci attachait d'importance aux illusions de la perception et à la reconstruction imaginaire de l'objet ou de l'espace perceptif. mais la grandeur caractérise aussi certains sites : les forêts, les parcs et tout ce dans quoi on exige de l'unité ou de la simplicité. Quant aux rochers, Whately insiste sur leurs côté majestueux, terrible ou merveilleux. Le caractère merveilleux est si varié qu'il se rapproche du beau, tandis qu'aridité, obscurité et solitude demeurent des traits propres au sublime. Deux formes de sublime apparaissent alors.
Le caractère majestueux ne tient pas seulement à l'élévation27, mais à la situation. Et Whately préconise la plantation de grand bois, qui dissimulent la base des rochers et rendent leur commencement incertain.

Pour le caractère terrible, il est défini à la manière de Burke comme l'union de la grandeur avec la force. Et Whately d'insister sur la nécessité d'assigner des bornes à la terreur, au nom du principe de convenance, en évitant à la fois l'horrible et le choquant. L'art intervient sur deux registres : il doit soustraire de l'environnement tout ce qui pourrait empêcher le terrible de redevenir agréable et il doit accentuer la vivacité des sensations, en utilisant sans excès l'obscurité et la tristesse pour rehausser le sublime. On voit donc comment le terrible n'est pas l'horrible, mais comment aussi le sublime ainsi défini permet de retrouver le plaisir dont il semblait d'abord devoir nous priver.
Quand Chambers s'amusera à peindre les « tableaux du genre terrible » qu'il attribue aux Chinois, il exploitera sans vergogne tout l'appareil de l'horreur, joignant aux arbres calcinés et aux ruines des gibets, des croix et des roues, des temples voués aux divinités infernales, des stèles commémorant des atrocités, des tourbillons de flammes et de fumées. Mais il suffit de comparer ce morceau de bravoure au passage que Whately consacre aux rochers de caractère terrible, pour y saisir une intention de caricature.

En somme, le texte de Whately qui théorise maints aspects de la révolution constituée par l'apparition du jardin idyllique, atteste l'influence considérable de Burke non seulement dans la conception de la grandeur, mais dans celle du terrible qui n'est pas terrifiant et dans celle de la simplicité ou de l'unicité du caractère. Or c'est cette simplicité contre laquelle Chambers va bientôt entrer en guerre. Sa Dissertation sur le jardinage de l'Orient parut en édition bilingue dès 1772, avec une traduction française de Delarochette.


VIII. William Chambers, 1772

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« La plupart de nos jardins, écrit Chambers, diffèrent très peu des champs ordinaires, tant la nature vulgaire y est servilement copiée. »28 Le promeneur ne cesse d'y tourner, « maudissant la ligne de beauté; mais bientôt accablé de lassitude, à demi-brûlé par le soleil, car il n'y a jamais d'ombrage à espérer, et prêt à périr d'ennui, il prend le parti de n'en pas voir davantage: vaine résolution! Il n'y a qu'un seul et unique sentier. »29 Et Chambers de décrire l'Angleterre comme un « pays où l'on donnera le nom de jardinage au métier d'entortiller des allées, de faire des trous et des fossés tortus, afin d'y prendre de la terre pour élever des taupinières, d'éparpiller des arbrisseaux et de présenter une monotonie éternelle de pelouses, de bosquets et de buissons, comme ces carillonneurs qui n'ont que trois cloches »30! Cette monotonie où Whately voyait l'unicité du caractère et la simplicité du sublime, voilà que, loin de susciter les plus vives passions, elle fait périr d'ennui!

Sous cette satire perce néanmoins un curieux éloge, de même que sous le dithyrambe des jardins chinois se cache une certaine moquerie (celle que nous avons rencontré plus haut dans la description des « tableaux du genre terrible »). L'objet de Chambers n'est pas seulement de dauber sur le compte de Capability Brown. Il déplore des dégâts irréparables commis lors de la constitution des nouveaux jardins : « si (la) manie de dévaster dure encore quelque temps avec la même violence, on ne laissera pas sur pied un seul arbre de haute-futaie dans tout le royaume »31.

Chambers est tory. Mais il ne faut pas croire qu'il n'a pas compris l'importance fondamentale de la révolution dans les jardins anglais. Bien au contraire. S'inquiétant de l'absence d'école destinée aux jardiniers-paysagistes, il remarque l'absurdité qui consiste à faire de leur art « une branche collatérale » de l'architecture, car l'architecte, « plongé dans l'étude et distrait par les occupations de son état, n'a point de loisir pour d'autres recherches »32. En fait, Chambers entérine la révolution accomplie dans l'art des jardins qui s'est, grâce aux Anglais, affranchi de la tutelle des architectes. Et il cherche à provoquer ses contemporains pour que soit donné au jardinier le statut fondamental qui lui revient : d'artiste à part entière.


IX. La querelle du pittoresque

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L'histoire des jardins entre cependant dans une nouvelle phase à la fin du XVIIIe siècle : au jardin idyllique et au jardin de Brown, ce « génie du nu et du chauve », comme le qualifiera Uvedale Price, succédera le paysage pittoresque. Sans doute Repton, le plus grand jardinier de l'époque, déclare-t-il que « l'utilité doit souvent prendre le pas sur la beauté et (que) la convenance doit être préférée à l'effet pittoresque »33. Mais le gardening qui s'était libéré grâce à Brown du modèle architectural, s'inféode largement à la peinture, cependant que l'architecture y reconquiert une partie des privilèges qu'elle avait perdus.

Pittoresque... Sous l'influence de Price et de Knight, le terme reprend son sens étymologique : il désigne ce qui, dans un paysage, convient à la peinture et y produit d'heureux effets. Aussi bien n'est-ce plus dans l'emportement de la marche que le promeneur découvre les transitions d'un paysage à un autre. Le gardening n'est plus cet art de mouvement que nous avait révélé Shenstone : il exige un spectateur qui s'arrête à des stations déterminées et contemple le jardin comme à travers un cadre, sous un angle et à un moment précis. Le sketching Tour qui, sous l'influence de Gilpin ou de Cozens devient bientôt à la mode, exige du spectateur une vision très intellectuelle et élaborée du paysage. Aussi ne se déplace-t-il plus qu'avec un carnet de croquis et, parfois même, avec le fameux miroir de Claude, dont la forme convexe et le tain légèrement coloré lui permettent d'adopter un point de vue nouveau sur le paysage.

L'opposition entre sublime et beau perd progressivement son sens. Et Uvedale Price a beau reconnaître que le système de Burke est le fondement du sien34 : reste que « créer le sublime est au-dessus de la concentration de nos pouvoirs (contracted powers) »35, alors que le pittoresque et le beau dépendent bien davantage de nous.

Que reste-t-il du sublime du lieu, du « génie du lieu », dont Pope avait souligné le caractère essentiel? Force est de constater que le jardin pittoresque attache moins d'importance à l'imagination poétique qu'à l'utilité, à la convenance et à un pittoresque finalement très statique.

S'il est alors trois types de jardins anglais, qu'a-t-on en vue quand on parle de l'English gardening? Il me semble que c'est plutôt un compromis entre le jardin emblématique et le jardin idyllique, auquel on ajoute une once de pittoresque. La poésie y prévaut, comme chez le marquis de Girardin, à Ermenonville, dont le centre vivant demeurera toujours l'île aux peupliers où trône le sarcophage de Rousseau, symboliquement déserté de ses restes. Ermenonville combine le sublime de la forêt, du désert, des rochers, au sublime élaboré d'un pèlerinage à Rousseau : chiffre de Julie sur les rochers de la Meillerie, verger de Clarens reconstitué, cabane de Jean-Jacques...

Sublime non pas naturel, mais attribué à la nature redécouverte; sublime concerté d'une poésie qui émane des lieux autant que de la mémoire et de l'imagination, sublime pictural d'un paysage aux points de vue bien déterminés, mais aussi sublime des ruines réelles ou artificielles, des abbayes, châteaux, tombes et tours du passé que l'oeil reconsidère.

Dans ces nouveaux paysages, non centrés sur l'habitation principale, l'architecture trouve un véritable laboratoire. Comment y reconnaître les aspects proprement sublimes? Le sublime surgit dans l'art d'une façon qui n'a pas besoin pour devenir révolutionnaire de se déclarer tel. Il engendre une révolution intime, qui acquiert néanmoins une portée générale; et cette mutation radicale s'attache moins à des thèmes et à des techniques qu'au nouveau regard porté sur le monde et ainsi symbolisé.


X. Du sublime architectural

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Il est revenu à Émile Kaufmann de montrer le rôle décisif de la France « comme pionnier d'un art nouveau et comme créateur d'une nouvelle architecture », suscitant à la fin du XVIIIe une révolution analogue à celle qu'elle avait produite à l'époque gothique : « l'émancipation des masses et la libération de la création artistique des liens du baroque revient à la France ».

Kaufmann centre, comme on sait, son analyse sur l'idée d'autonomie et d'affranchissement à l'égard de ce qu'il appelle « l'enchaînement baroque ». Le classicisme baroque se caractérise grosso modo par la subordination des parties au tout, la volonté de gradation et de hiérarchie des volumes, le souci d'une décoration unifiante, à l'antique. Peu à peu, au contraire, s'affirment le refus de la hiérarchisation, la volonté d'indépendance des parties par rapport au tout, et le rejet de la décoration au profit d'une mise à nu de la structure ou de la recherche de la monumentalité.

Il est un contresens qu'il ne faut pas commettre : celui qui consisterait à projeter le sublime burkien dans une type de recherche où paraît l'exigence de rationalité absolue et un souci prédominant de la destination de l'édifice. On est, certes, en droit de rapprocher le sublime de Ledoux de celui de la raison pratique chez Kant : la volonté de briser des chaînes, d'assurer une autonomie à la raison pratique et de construire un monument leur est commune. Mais si le sublime de Burke a lui aussi une portée révolutionnaire, l'appel à la raison pratique est pour lui suspect : sous le terme de raison se cache l'instinct et la volonté d'un individu ou d'un groupe; sous l'idée de pratique rationnelle, une offense possible à bien des pratiques locales. Les vraies révolutions s'accomplissent dans les profondeurs. De fait, en étudiant les modifications de l'architecture au XVIIIe siècle, on est frappé de la lenteur de la révolution qui s'effectue.

Parcourant de nouveau un ouvrage d'Émile Kaufmann, j'ai eu la surprise de tomber sur la formule suivante : se demandant soudain pourquoi à la fin du XVIIIe siècle, on préférait le parc anglais au parc français, il répond brièvement, mais avec netteté : « ce n'était pas par pure sentimentalité : le monde des plantes ne devait lui aussi obéir qu'à sa propre loi pour sa croissance »36. Devait?

Respect pour l'autonomie des végétaux, des scènes de la nature et des formes, en général... Voilà, certainement, un des points de jonction entre l'architecture révolutionnaire et le nouvel art des jardins. Et c'est pourquoi j'ai commencé cette conférence en rappelant l'insistance de Shenstone sur l'acte de plantation et l'idée que le jardin est un processus, tout en montrant ce que cette insistance avait de paradoxal. Il ne saurait en émaner un devoir.

Prenons un exemple : quand Ledoux conçut ses extraordinaires barrières d'octroi, chacune différente de l'autre, autour de Paris, comment ne pas juger choquante la réalisation de bâtiments, dont l'édification coûtait davantage que l'impôt qu'ils étaient censés collecter? à force de parcelliser la vision, on perd de vue les voeux des individus concernés. La confusion du rêve et de la réalité qui en est l'origine est aussi admirable dans les projets que terrifiante sur le terrain.

Or le terrifiant et le choquant n'appartiennent pas au sublime. Car le sublime exige la distance. Il me reste donc à montrer très brièvement par quels véhicules le sentiment de cette distance peut être donné :
par la grandeur de dimension, le goût du monumental : ces « masses qui effraient la pensée », pour reprendre l'expression de Ledoux,

par la construction pyramidale, dont l'usage se généralise sous l'influence de l'architecture orientale. Mais Hawksmoor, par exemple, l'employait déjà au début du siècle à Saint George in Bloomsbury.

par la superposition de rochers ou de pierres brutes. Dans la description que Whately consacrait aux rochers de caractère majestueux, il était d'ailleurs fait mention de l'entassement du Pélion sur l'Ossa qu'entreprirent les géants en vue d'escalader l'Olympe. Or, Longin citait déjà cet exemple, comme un « trait sublime » d'Homère37. « Dans mon aveugle enthousiasme, écrit par exemple Ledoux, j'amoncelais les pierres les unes sur les autres ». Car la pierre redevient pierre. Le matériau brut apparaît.

par les ruines réelles ou artificielles. Les ruines de Fountain Abbey sont acquises par Lord Aislabie à la fin du XVIIIe dans les jardins de Studley Royal, près de York, mais Fonthill Abbey construite à grands frais par l'excentrique Beckford38.

par des emprunts multipliés aux modèles architecturaux les plus anciens. Il faut, cependant, citer le rôle du livre de Fischer von Erlach, paru dès 1721 : Projet d'une architecture historique39, du Recueil d'antiquités de Caylus, des ouvrages de Piranèse, etc. Prenons l'exemple du dorique sans base, « l'ordre antique le plus antique ». L'archéologue James Stuart l'introduise dans son temple de Hagley Park en 1758, avant que Brongniart ne l'utilise au couvent des Capucins, en 1780.

par le goût pour une architecture d'ombre, demi-ensevelie, sombre et funéraire. On pourrait en trouver des exemples chez Soanes en Angleterre, mais on songe évidement d'abord à Boullée ou à l'obstruction des fenêtres du Panthéon, décidée par Quatremère de Quincy. Mais j'ai trouvé dès 178040, chez l'architecte Louis Le Camus de Mézières ce goût de la brusque transition des ténèbres à la lumière. Impressionné par les considérations de Whately sur les « rochers terribles », il en recopia littéralement un paragraphe (sans avouer son emprunt), et leur chercha des équivalents dans les avant-corps saillants et dans les « percés qui se terminent sur un endroit sombre et obscur.
Le goût le plus extraordinaire pour les jeux d'ombre et de clarté apparaît chez Boullée qui rêvait de devenir peintre et dont le père contrecarra les desseins : « Je me dis alors, et je l'avoue avec une certaine fierté : ton art va te rendre maître de ces moyens, et, toi aussi, tu auras quelque lieu de dire fiat lux. à ta volonté, le temple sera éclatant de lumière ou il ne sera plus que le séjour des ténèbres. »41 Cette formule conduit à problématiser ma thèse : si le sublime ne peut servir de principe de création, reste que le désir ardent de parvenir au sublime peut, dans certains cas, contribuer à sa naissance. et elle a l'avantage de rappeler que la révolution induite par le sublime est celle d'une lumière inattendue qui surgit dans l'obscurité et éblouit : lux et non lumen, mouvement d'ouverture des yeux qui donne le sentiment du miracle de la présence comme telle ou encore éclat aveuglant de la manifestation.


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Pour conclure, je rappellerai comment certaines difficultés propres à la conception du beau ont conduit à élaborer la catégorie du sublime. La première concerne le plaisir. Si nous jouissons de l'harmonie, comment nier que nous soyons paradoxalement attirés par la rupture? Si intense soit le besoin de beauté, le beau vient à nous paraître factice dans un monde trop complexe; ne nous concernant pas directement, il finit même par nous ennuyer. Le sublime introduit, au contraire, dans notre rapport au monde, un vertige qui nous est essentiel.

La seconde difficulté concerne le statut de privilégié qui permet la constitution du goût : celui-ci suppose à la fois la proximité de beaux objets et le loisir nécessaire à leur contemplation. «  Je n'ai pas le temps d'avoir du goût  », se plaignait auprès de Voltaire un commis des bureaux de Versailles42. Or, il y a dans le sublime quelque chose de simple, de naturel et d'immédiat, qui permet d'éviter le long détour par la culture. Alors que le beau semble du côté du luxe, le sublime me sauve de la détresse, parce qu'il m'assigne une position et réveille une exigence.

La troisième difficulté réside dans les implications éthiques d'une attitude esthétique : pas d'imagination sans un certain désaveu du donné, mais pas de perception vraie sans renoncement à la projection imaginative. Alors que faut-il faire? se soumettre à l'objet en suspendant toute association, ou bien voir en lui le simple tremplin sur lequel nos facultés prennent élan? Le principe du sublime est lié à la constitution du sujet comme se transcendant lui-même. Mais s'il découvre une intériorité dans la nature, à laquelle il se soumet, il n'y réussit qu'en renonçant à l'illusion de son autonomie. Réel et imaginaire se rejoignent alors paradoxalement, puisque c'est dans la suspension du moi qu'un monde ou un objet peuvent surgir.

Mais le sublime n'est jamais acquis, et on s'aperçoit qu'on ne saurait le revendiquer comme principe de création, dans l'art des jardins comme dans l'architecture, sous peine de le dénaturer. De là une quatrième difficulté : si l'observation des règles du beau permet d'éviter la laideur, il n'y a point de règles qui permettraient d'éviter le ridicule, l'extravagant ou le bas, lesquels menacent quiconque prétend au sublime. La création du sublime est au-dessus de la concentration de nos pouvoirs, comme le marquait Price, alors que celle du beau et du pittoresque dépend bien plus largement de nos efforts.

Mais cela n'empêche pas de dégager des véhicules privilégiés du sublime, qui diffèrent les uns des autres et restent chacun d'un emploi contingent. Comme j'ai essayé de le montrer dans cet exposé, ce sont
la grandeur, qu'elle soit comprise comme radical changement d'échelle ou mise à distance par une forme ou une autre d'artifice,

le dévoilement de l'envers du décor et le refus de la hiérarchie établie qui mettent en cause l'harmonie apparente,

la mise en oeuvre de forces obscures qui contrecarre le besoin de clarté,

la simplification qui apparaît parfois comme une régression à quelque chose de primitif et de rudimentaire.
Le sublime menace ainsi le beau à quatre titres : quant à sa forme, son agrément, sa visibilité et sa diversité.

Seulement, si le sublime s'oppose d'abord au beau, il peut quelquefois en promouvoir le retour, en détruisant les préjugés qui s'attachent à l'idée de modèle définitif. Mais il faut alors se demander s'il n'a point alors perdu une part de son pouvoir.

Vous me permettrez de saluer la mémoire de Courajod, non seulement parce qu'il a composé au début de la IIIe République l'histoire de l'Ecole royale des élèves protégés (1749-1777), « l'institution la plus honorable et la plus libérale qu'ait connu le XVIIIe siècle, (...) animée d'un esprit totalement démocratique »; mais parce qu'il n'a cessé de dénoncer la réduction de l'Art à un luxe d'aristocrate, pour souligner, au contraire, la fonction essentielle qu'il jouait dans la vie de chacun.

C'est dans un esprit qui n'est pas très éloigné du sien que je m'efforcerai de montrer comment le sublime surgit dans l'art d'une façon qui n'a pas besoin pour devenir révolutionnaire de se déclarer tel.

Vous avez pu d'ailleurs voir évoqué son texte à plusieurs reprises au Louvre : notamment dans l'exposition que Régis Michel a consacré à la Chimère de Desprez et, bien sûr, dans celle d'Olivier Meslay sur L'art britannique dans les collections françaises.



 

Notes

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1. Conférence inédite, tenue à l'Auditorium du Louvre, le 3 octobre 1994.
2. Pour ne prendre qu'un exemple, Girardin, critiquera à l'instar de Rousseau, les célèbres jardins de Stowe, mais réservera tous ses suffrages aux Leasowes.
3. Shenstone, Unconnected thoughts on Gardening, in The Works in Verse and Prose, Edimbourg, 1764.
4. Whately, L'art de former les jardins modernes (Observations on Modern Gardening, Londres, 1770), trad. François-de-Paule Latapie, Paris, 1771, chap. XLVII, pp. 194 et sq : « De la beauté pittoresque ».
5. Ibid.
6. Mercier, L'an 2440, Bibliothèque des Utopies, France Adel, 1977, p. 293.
7. Pope, épitre à Lord Burlington.
8. Op. cit., p. 22.
9. Unconnected thoughts on Gardening, in The Works in Verse and Prose, Edimbourg, 1765, p. 97 : il faut répudier les avenues tracées en ligne droite, dans lesquelles le pied doit découvrir ce que l'oeil a découvert avant lui (where the foot is to travel over, what the eye has done before).
10. Recherche philosophique sur l'origine de nos idées du sublime et du beau (A philosophical Enquiry into the Origin of our Ideas of the Sublime and Beautiful, 1757, II, 5, traduction B. Saint Girons, Vrin, 1990), II, 3.
11. Voir James Barry, The Works, containing his Correspondance from France and Italy with Mr Burke, Londres, 1809, I, pp. 263-4.
12. Recherche de la vérité.
13. Recherche, I, 7.
14. Ibid., p. 109.
15. Ibid., p. 110.
16. The Spectator, edited with an introduction and notes by Donald F. Bond, Oxford, Clarendon Press, 1965, vol. III, n° 412, Monday June 23, 1712.
17. Ibid., p. 105.
18. Ibid., p. 25.
19. Ibid., p. 54.
20. Voir Ann Grieve, « La limite invisible dans le jardin anglais au XVIIIe siècle : le saut-de-loup ou le ha-ha », Cahiers Charles V, n° 4, 1983.
21. Ibid., p. 56.
22. Ibid., p. 74.
23. Walpole, Essai sur l'art des jardins modernes, (Essay on modern Gardening, 1770), trad. du duc de Nivernais, 1784, p. 76.
24. P. Fontaine, Journal, 3 mars 1813, cité par Georges Teyssot, Histoire des jardins de la Renaissance à nos jours (en collaboration avec Monique Mosser), Flammarion, 1991, p. 360.
25. Ibid., p. 75 et p. 157.
26. Op. cit., p.91.
27. Odyssée, XI, XIII, 1.
28. Dissertation sur le jardinage de l'Orient (Dissertation on Oriental Gardening) Londres, 1772, trad. Delarochette (bilingue), préface, p. IV.
29. Ibid., p. V.
30. Ibid., p. 84.
31. Ibid., p. VIII.
32. Ibid., p. II-III.
33. An Enquiry into the Changes of Taste in Landscape Gardening, p. 39.
34. An Essay on the Picturesque, as compared with the Sublime and the Beautiful, éd. augmentée de 1796, p. 110.
35. Ibid., p. 123.
36. De Ledoux à Le Corbusier (Von Ledoux bis Le Corbusier, 1933), trad. Jean Walch, L'Equerre, 1981.
37. Odyssée, XI, XIII, 1.
38. Beckford avoua à Cyrus Redding que, mis à part Vathek, Fonthill était la création dont il s'enorgueillissait le plus. Notons que son oncle grand-maternel, Charles Hamilton, était le créateur du jardin sauvage de Pain's hill. Voir, sur ce point, l'article de Robert J. Gemmet, « The Landscape as Art », Gazette des Beaux-Arts, décembre 1972.
39. Fischer von Erlach, Entwurf einer historischen Architektur, 1721, Die bibliophilen Taschenbücher, Dortmund, Harenberg, 1978.
40. Le génie de l'architecture, ou de l'analogie de cet art avec nos sensations.
41. Essai sur l'art, Textes réunis et présentés par J.M. Pérouse de Montclos, Hermann, Miroirs de l'art, 1968, p. 91.
42. Questions sur l'Encyclopédie, 1771.

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"Le sublime de Burke et son influence dans l'architecture et l'art des jardins"
Baldine Saint Girons, Philosophie, maître de conférences à Paris X
Conférence inédite, tenue à l'Auditorium du Louvre, le 3 octobre 1994.
Source:

La Revue canadienne d'esthétique, La revue électronique de la Société Canadienne d'Esthétique

Canadian Aesthetics Journal, The Electronic Journal of the Canadian Society for Aesthetics:

http://www.uqtr.uquebec.ca/AE/vol_2/saint-girons.html